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Chronique d'Elle
24 août 2009

Ebenezer, le fidèle

J'y viens chaque été ou presque. J'y ai passé une partie de mon adolescence, sur la rive est du lac. North Hatley est l'un des plus beaux villages du Québec (le plus beau, à mon avis). Ses résidences - trop vastes pour une famille moderne - sont magnifiques. Les pelouses impeccables, les murets en pierre de taille, l'ordonnance de ses jardins, l'architecture des maisons (toits en mansarde, vérandas profondes, balcons superposés) sont intimement liés à l'histoire de nos voisins du sud.

La région de North Hatley a été colonisée par des Américains désireux de demeurer sujets britanniques à la suite de la Déclaration d'Indépendance en 1776. Le Roi n'est pas un ingrat. Il concède à l'un de ses plus fidèles défenseurs, le colonel Ebenezer Hovey, 24,000 âcres de terre sur les rives du lac Massawippi. Après la guerre de Sécession (1865-1868) de nombreux aristocrates, industriels et propriétaires terriens sudistes renoncent à passer leurs vacances en Nouvelle-Angleterre, territoire Yankee. Ils mettent le cap sur le nord, affrétant pour leurs déplacements des wagons complets de trains afin de loger les serviteurs, majordomes, chevaux et carrosses qui les accompagnent. On raconte que certains d'entre eux abaissent les toiles des fenêtres de leur wagon lorsqu'ils traversent la Nouvelle-Angleterre...

Le Manoir Hovey

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La plus splendide des résidences loyalistes, "The Birches", était celle d'Henry Atkinson, propriétaire du réseau électrique d'Atlanta. L'architecte chargé de la construire s'était inspiré de la maison de Georges Washington au mont Vernon en Virginie. En 1950, la résidence d'Atkinson a été transformée en auberge : le Manoir Hovey. C'est là que je prends, chaque été, un Campari soda sur le balcon des anciennes écuries converties en pub, le fameux "Tap room". La vue sur les jardins anglais et le lac Massawippi est magnifique.

Je ne dors pas au Manoir - on l'auras compris.

Notre gîte, La Canardière, a un joli jardin bruyant de mésanges, de geais bleus, de pics-bois. Une libellule, parfois, s'agite autour des mangeoires. Prendre le petit déjeuner sur la table la plus près des fenêtres est un pur enchantement. Et je tais le plaisir gourmand (coupable) de goûter à tout. Ici, les muffins aux petits fruits sont faits "maison"  (le contraire serait une hérésie), le pain rôti sur la plaque chauffante du poêle, les fraises achetées directement du producteur, etc. Des fleurs du marché embaument notre suite. D'entrée de jeu, ma petite nièce Marie est conquise. Reste à savoir laquelle de nous prendra sa douche la première...

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Pic-bois à dos noir, que l'on ne trouve qu'au Canada et aux États-Unis

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Marie, sur "notre" quai, avant la baignade dans l'eau froide de la rivière Massawippi.

Les pieds de Marie, à la manière de Sarah Moon  :

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Sarah Moon, Frankfurter Magazine

La même, version noir et blanc :

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Les cheveux de Marie ont cette couleur, rare et belle, dite "blond vénitien". Botticelli en aurait fait son modèle pour La naissance de Vénus ou Le printemps. Mais Marie ne me croit pas quand je lui dis qu'elle est belle. Enfin, ça dépend des jours...

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Manoir Hovey 

Pause Campari et rhum-mangue. Le serveur-dragueur a un léger accent méridionnal et une faussette au menton qui laissent Marie parfaitement indifférente. Son amour se languit d'elle à Paris. Elle est ici et ailleurs. Je fus jeune, je la comprends. 

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Moi, je fais semblant - ça fait partie du jeu.

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Chantal, notre hôtesse, accueille ses derniers vacanciers. En décembre, elle met la clef sur la porte. Plus de gîte, mais une suite sans petit déjeuner, la formule "tourist room", en quelque sorte. Marie et moi partons en repérage.

Non loin de La Canardière, une charmante maison de campagne nous interpelle, toutes voiles dehors. Une véranda à l'ancienne meublée de fauteuils d'osier, d'armoires en bois, de tables basses, éclairée de lampadaires... Des gens dînent dehors à une heure très avancée. Du coup, nous baissons la voix, regardant sans trop insister le fascinant tableau. Une de ces résidences cossues dont ont hérité les descendants des Loyalistes, sans doute. Pas tout à fait ce qu'on cherche.

Et pourtant...

La maison aux rideaux blancs est un gîte. La propriétaire, adorable, me permet de photographier ce que je veux, à l'exception des chambres "qui ne sont pas prêtes". Nicole a un sens inné de la déco et peint de grands formats dignes des meilleures galeries. Elle ne vend pas, la peinture n'est qu'un hobby. Dommage. Nous quittons Le Chat botté avec l'intention d'y revenir l'été prochain. Si vous passez par North Hatley, je vous recommande la "maison aux voilages blancs" : elle vaut le détour.

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Le retour

Je ne sais pas pour vous, mais que mes vacances été réussies ou non, j'ai toujours hâte de rentrer chez moi. Une fois les courriels indésirables effacés et les publicités jetées, je me sens fraîche comme une rose. Dans le jardin de mon amie Ginette, une légère brise tempère la moiteur. Je contemple sa vigne - le vert tendre des feuilles m'émeut, va savoir pourquoi. Les raisins ne sont pas mûrs pour la cueillette et il y en a trop peu pour en tirer du vin. De la gelée, peut-être ?

Mais n'y pensons pas, l'été commence à peine.

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Jardin

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Commentaires
S
Sinon que j'ai adoré ce billet, où tu révèles de si agréables petites choses... Et je suis d'accord : Marie est belle, ainsi que les photos que tu en fais, en bonne portraitiste que tu es (Félix a remarqué, cet été, ton attention à mettre en valeur le visage de tes modèles)...
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