Paulette
Paulette, ma cousine. Mon idole. Enfant, je portais les robes qui ne lui allaient plus, de jolies robes-soleil aux motifs européens, introuvables dans les boutiques de la rue Wellington. J'imitais son accent, un mélange d'américain et de français parisien (Paulette avait vécu quelques années en France). Je rêvais d'être adoptée par sa mère, vu que la mienne... Plus tard, j'ai pensé la rejoindre à Tokyo (avec quel argent, God knows !) où elle posait pour une revue spécialisée dans le commerce des perles de culture. Paulette s'est mariée très jeune. Trop jeune. Je l'ai vue ruer dans les brancards, piaffer. J'avais seize ans, j'apprenais, en collant mes basques aux siennes, à séduire les mâles, jeunes ou vieux, beaux ou moches. Je la revois, jeune divorcée, rôdant autour de la tente des garçons, quatre étudiants venus se dévergonder au lac Brompton le temps d'un week-end. Je l'entends minauder, la canne à pêche à la main : « Debout, là dedans, c'est l'heure de pécher ! »
J'ai revu Paulette l'an dernier sur un mauvais cliché. Le temps, l'abus d'alcool ont fait leur oeuvre. C'est la vie, je sais, mais ça m'a quand même fichu un coup - et cette fois je sais pourquoi.