Voilà pourquoi votre fille...
... est nulle.
J'ai longtemps cherché les causes de mon inaptitude pour cette discipline que Brillat-Savarin appelait l'art culinaire et que les Dames de la Congrégation s'employaient à nous faire aimer - de gré ou de force. Leur livre, La cuisine raisonnée, s'adressait aux élèves finissantes, aux futures maîtresses de maison et aux ménagères chargées de l'alimentation familiale... D'entrée de jeu, c'était mal parti, car je ne me voyais dans aucun de ces rôles
Le best-seller des nonnes réédité par Fides en 2004.
Quant aux recettes, issues de la tradition québécoise, elles n'entraient pas dans mes goûts et ni ma mère, pur produit américain, ni ma grand-mère, adepte des régimes nourrissants mais légers, ni tante Dolorès, audacieuse et inventive, ne les intégraient à nos menus quotidiens. J'avais décidé à quinze ans que je ne me marierais jamais et qu'il était inutile, par conséquent, que je trime à essayer de réussir marinades, sauces, bonbons et encore moins la mise en conserve. Quant aux principes de l'économie familiale (l'expression même me faisait gerber), à l'art de recevoir et aux bonnes manières à table, je m'en souciais comme de la mort de Louis XVI.
Je laissais cramer les sauces, je cumulais les échecs, bref, j'étais nulle.
Et je m'en porte bien.