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Chronique d'Elle
14 novembre 2007

Je n'irai plus au bois... avec Marcel

Son humour ne m'était pas toujours accessible, il oubliait parfois le nom d'un auteur célèbre ou celui d'un restaurant réputé pour sa cuisine médiévale où il comptait m'inviter un de ces quatres (pour son malheur, «faire bonne chère» n'était pas pour lui un simple concept) ; comme moi, il confondait sans remords les acteurs américains, grimpait allègrement les cent quinze marches qui mènent de la rue Édouard-Montpetit à l'École polytechnique de l'Université de Montréal… Il chouchoutait les roses de son jardin comme on prend soin d'une femme aimée. La nuit tombée, l'été, à l'heure où les grillons et les rainettes s'accordent pour troubler votre sommeil, il adorait méditer sur l'apparente absurdité de la vie, un verre de vin à la main. Grand amateur de Balzac (dont il avait le profil et le tempérament), il avait eu le privilège de travailler sur la table de l'écrivain au musée de la rue Raynouard - il rédigeait alors une thèse sur Le Père Goriot. C'est de Marcel que je tiens l'information selon laquelle Balzac aurait loué la maison de Passy pour échapper à ses créanciers.

Balzac_bureau

Je lui dois une foule de renseignements sur l'éducation de la jeune fille de province à l'époque et dans l'oeuvre de Balzac. Malgré un long séjour à Paris et de nombreux voyages en Europe, il était lui-même demeuré un « provincial élégant ». C'était un paysan au sens le plus noble du terme, à savoir : un homme profondément attaché à la terre.

Sur une étagère de sa cuisine m'attendent sans doute encore les pots de marinade «maison» qu'il me destinait, et dans son cellier, un divin Pommery en prévision de ma prochaine visite au lac Champlain. Nous n'avons pas vu l'exposition Picasso au château d'Antibes, il n'ira pas à Paris et à Aix-en-Provence à la fin de novembre (alors que ses titres de transport étaient depuis longtemps payés). Jamais plus, je ne l'accompagnerai aux vernissages du Club du Président du Musée des beaux-arts de Montréal…

Le 27 octobre, j'amorçais l'article de mon blogue en lui dédiant la photo d'une plate-bande, sans savoir qu'il ne la verrait jamais. Quatre jours auparavant, son corps avait été retrouvé sans vie dans sa villa près du lac Champlain. Il était mort dans les circonstances qu'il appréhendait le plus, c'est-à-dire seul, loin des êtres qui lui étaient le plus chers. Oui, Marcel, la vie est parfois absurde !

J'aime penser qu'il me voit en ce moment… et qu'il apprécie la photo d'Édouard Roger D'Anjou (la dernière) que je lui dédie. Elle m'a été transmise par notre amie commune, Ginette :

Joueur_d_accord_on

Où que tu sois, Marcel, écoute cette merveilleuse Suite anglaise no 3 en sol mineur de Johann Sebastian Bach interprétée par Joseph Petric * :

http://www.postedecoute.com/catalogue/87069

* Les amateurs d'accordéon diatonique trouveront l'intégrale des oeuvres interprétées par Petric dans l'album : Suites, Sonatas, Airs et Dances - étiquette Analekta, no FL23133.

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