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Chronique d'Elle

2 septembre 2013

Pianos des villes, pianos des champs *

Le plus beau et le moins controversé des projets de Luc Ferrandez, maire de l'arrondissement Le Plateau : cinq pianos, parrainés par six artistes, occupent tout l'été l'espace public de Montréal. L'objectif visé - créer de petites parenthèses de rencontres et de pauses musicales dans la vie urbaine effrénée - a atteint son but. Difficile de résister à l'envoûtement d'une valse de Chopin, d'une polka, d'une chanson ringarde, qui vous arrivent comme un cadeau, une grâce infinie, à travers les bruits discordants de la ville.

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Les artistes Fanny Bloom et Socalled, devant la Bibliothèque du Mille-End. Photo : François Pesant, Le Devoir.

Les petites places réservées aux pianos font aussi office d'agoras : on fait connaissance avec «l'autre», on chante ensemble, on danse parfois. Pas trop mon truc normalement, mais hier j'ai succombé au charme d'une fillette déterminée à extraire d'un vieux piano blanc les plus belles notes du monde : les siennes.

La gamine s'appelle Maïa. Elle ne sait pas jouer du piano, mais elle imite à la perfection les divas. En fait, elle sait jouer.

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Et elle chante ! Des comme ça, j'en prendrais douze.

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* Initiative inspirée du projet de l'artiste britannique Luke Jerrymam, « Play me, I'm yours » - titre que les Français ont conservé intégralement, bien sûr...

 

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28 mai 2013

Ils ne mouraient pas tous...

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Je ne sais pas pourquoi (ou plutôt je sais) cette photo me rappelle une tirade de Marie-Louise, personnage lucide et désespéré de À toi, pour toujours, ta Marie-Lou de Michel Tremblay :

« J'ai lu dans le Sélection, l'aut'jour qu'une famille c'est comme une cellule vivante (...) Ah ! oui, pour être une cellule, c'est une cellule, mais pas de c'te sorte-là ! Nous autres, quand on se marie, c'est pour être tu-seul ensemble. Toé, t'es tu-seule, ton mari à côté de toé est tu-seul, pis tes enfants sont tu-seuls de leur bord (...) Une gang de tu-seuls ensemble, c'est ça qu'on est ! »

Quarante ans après sa création, la pièce de Tremblay me trouble à la manière d'une terrible prophétie : le mal a largement dépassé les frontières familiales. C'est la société tout entière qui est contaminée.

Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés. Lafontaine.

12 décembre 2012

Rien n'a changé...

ou presque.

Elles étaient laides pour la plupart, affublées de messages stéréotypés et de croix sensées exprimer « tout notre amour ». Certaines brillaient (mes préférées), quelques-unes jouaient deux ou trois mesures de Jingle Bells, Rudolph the Red-Nosed Reindeer... On les suspendait sur un fil ou on les exposait sur le linteau de la cheminée - quand on en avait une. Avec le sapin, les rois mages en plastique, les cadeaux décevants, elles étaient le marqueur des « Fêtes ». Un marqueur en voie de disparition : plus personne n'expédie de cartes de voeux par la poste... sauf les députés.

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Je me souviens de la pile de cartes et des enveloppes étalées sur la table de la salle à manger. Tante Dolorès avait la corvée de les adresser à la main, à l'encre de Chine, usant de sa plus belle calligraphie. Oncle René signait laconiquement : René Létourneau, MP. Le message était obligatoirement bilingue, protocolaire, ennuyeux. La mode, dieu merci, n'était pas encore aux photos familiales. Le député se contentait de scènes campagnardes ou religieuses. Tante Dolorès adorait les traîneaux, ça lui rappelait son enfance. Thomas Mulcaire, mon député actuel, préfère les sapins enneigés et la tour du parlement comme décor de fond. Il est le chef de l'Opposition officielle du Canada et tient à le rappeler. À quelques variantes près, le rituel n'a pas changé : on est un peuple de traditions, quoi qu'on dise.

Autre chose, et non la moindre : la fameuse bouteille de vin ! Les bouteilles, en fait. Elles arrivaient individuellement ou en caisses de six. Pas toujours du meilleur cru, mais à vin donné... Accompagnées de fromages, de chocolats, de sirop d'érable, de yogourts (le premier producteur québécois était en fait un Belge attiré dans la région par la généreuse subvention que mon oncle l'avait aidé à obtenir). Tante Dolorès bouffait le yogourt, mon oncle buvait le vin et nous mangions les chocolats. C'était le bon temps - ou presque !

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26 novembre 2012

Je volute, tu volutes

J'ai toujours été fascinée par les ornements en fer forgé, vissés directement dans la pierre, dont on décore les maisons des notables, les vieux hôtels de charme, et que faute d'un meilleur vocable on nomme « volutes en forme de S ». Leur origine demeure un mystère. Pour moi, tout au moins. Je sais seulement que le forgeron qui enroule et martèle à chaud ces ornement « volute ».

La jeune femme qui interroge le ciel (neigera ? neigera pas ?) est passée rapidement devant l'hôtel Pierre-du-Calvet. Indifférente à l'histoire, aux lanternes enrubannées, ignorant superbement les volutes. Il faut dire que le vent, à cause du fleuve tout près, vous glace les jambes. Photographier à mains nues tient de l'exploit. Pas question de m'attarder moi non plus. Deux photos tout de même. Excusez du peu.

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21 novembre 2012

Cinq

Au départ il y a eu cette photo, magnifique, de Sophie. Prise à l'aube, quand les autres dorment et que la terre humide garde la trace des pas. Puis les mots sont venus, d'autres images. Cinq images - comme le titre.

« C'était une aube presque belle. Quand il n'y a pas encore de lumière et que la lumière est seulement l'air, et que l'on ne sait pas si l'on respire ou l'on voit. » Clarice Lispector, Le bâtisseur de ruines.

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Simiane à l'aube. Photo Sophie Campbell

« Je la regardais (...) ôter de ses mains résignées de longs gants d'une grâce inutile. » Marcel Proust, Du côté de chez Swann. 

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Rita Hayworth dans Gilda

« Confier à l'autre son sommeil est peut-être la seule impudeur. Laisser se regarder en train de dormir, d'avoir faim, de rêver, de se tendre, de s'évaser, est une étrange offrande. » Pascal Quignard, Villa Amalia. 

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Félix Vallotton, Femme endormie

« Certains matins, au détour d'une rue, une délicieuse rosée tombe sur le coeur puis s'évapore. Mais la fraîcheur demeure et c'est elle, toujours, que le coeur exige. » Albert Camus, Retour à Tipasa.

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Chloé à Lisbonne, été 2010

« Quels bienfaits n'ai-je pas reçus d'un logis de Moreno place Pereire, en un temps où j'avais grand besoin de secours moral et n'en acceptais que de Marguerite... Je gravissais l'escalier, je sonnais à l'entresol. Il me souvient d'un coffre espagnol revêche, d'une table ronde, d'un couvert que bousculaient des livres, des livres que refoulaient un robuste fromage, un foie gras ou une charcuterie venus du Lot... Le soleil était du bon côté. La tarte aux prunes venait de la pâtisserie contiguë. " Prends une assiette, Macolette. - Je n'ai pas fait. - Si, tu as faim, prends une assiette. Ce que tu as, ça se soigne par la nourriture. Assieds-toi. Je vais te raconter ma vie..." » Colette, Le fanal bleu.

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Colette à l'époque de La Vagabonde

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22 septembre 2012

Comment tout cela avait commencé ?

Fouille-moi. Je me souviens seulement qu'oncle René avait décidé de mettre un terme à la chicane. À sa manière. Pas très orthodoxe, soit, mais l'idée nous avait plu à Ghislaine et à moi. Se taper dessus en toute impunité jusqu'à ce que l'une des deux cède nous paraissait très fairplay. On avait le choix des armes de surcroît : la tapette à mouche ou les gants de boxe. D'énormes gants pendus à un clou dans le hangar et dont mon oncle avait hérité en achetant le chalet. Les gants avaient conservé une courbure propice au combat. En les resserrant au poignet, nos petites mains ne risquaient pas de glisser. Le reste était affaire de motivation...

Gants

Ghislaine en avait pour deux. Au signal, ma cousine s'est ruée sur moi, cognant de toutes ses forces avec une jubilation inquiétante. J'esquivais les coups du mieux que je pouvais, mais j'avais affaire à une enragée, plus costaude que moi, déterminée à m'arracher la tête. La lutte était inégale. Voyant le peu de conviction que je mettais à attaquer, mon oncle a mis fin à l'expérience.

Longtemps j'ai cru qu'il avait voulu m'épargner un affront. Longtemps je l'ai aimé pour cette délicatesse. Puis j'ai grandi, j'ai vu les choses sous un autre angle. On ne devrait pas grandir...

2 septembre 2012

Enfantillages

La scène représente Vauquelin, lieutenant de vaisseau français, alors qu'il défend ce qui reste de sa frégate, L'Atalante, lors de la bataille perdue de 1760. L'emplacement du monument, entre le vieux Palais de justice et l'hôtel de ville, n'est pas anodin : Vauquelin fait face à l'amiral Nelson, le vainqueur de la bataille navale de Trafalgar contre la flotte de Napoléon. Fort bien, mais qui se soucie de ces détails ? Les enfants, sûrement pas.

Eux, c'est la fontaine qui les branche. La gamine au bonnet rose en a fait le tour au moins trois fois, narguant son père qui l'implorait de ne pas.

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Celle-ci a soigneusement lavé la main de sa mère avant d'entreprendre la lecture de son destin...

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Mais la mère a gâché son plaisir en cliquant (ah, les mères, toutes des casse-pieds !).

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Celles-là voyagent en clan : moeder (l'accent suggère le néerlandais), mamie, taties et les jumelles.

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Deux adorables gamines transformées en petits singes pour épater la galerie. Vous reconnaissez les gestes ? Eh oui - et j'en rougis pour leur mère - il s'agit de la « danse des canards » adaptée à la sauce hollandaise...

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Les enfants, heureusement, se lassent vite. Tournant le dos au clan, les fillettes se sont mises en devoir d'attraper les bulles. Finies les singeries !

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12 août 2012

Caillou métal papier

La pomme de discorde ?

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L'enfant les avait apportés dans son sac, avec ses marqueurs, un vieux scrapbook, Barbie, la jeep rose, les accessoires de plage... Elle les avait posés sur la pierre le temps de manger son casse-croûte. Elle était repartie. Ou bien...

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Une lèpre galopante ronge le fût des lampadaires du parc Joyce. Mais tel quel, avec ses rosaces écaillées, ses cannelures vaguement doriques, sa rouille, celui-ci me plaît.

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Dans ce qui deviendra un film culte (Grey Gardens des frères Maysles), l'artiste Lois Wright fait une brève apparition le soir de l'anniversaire de Big Edie - Edith Bouvier Beale, tante de Jacqueline Kennedy. Après la sortie du film en 1975, Lois est invitée à séjourner à Grey Gardens avec la vieille dame et sa fille, Little Edie. Elle y tient un journal dans lequel elle rapporte au quotidien la vie des célèbres recluses. Le 18 février 1976 elle écrit : « Little Edie enjoys traveling alone on trains and buses. Recently, Edie had been saying : "He who travels alone, travels fastest." ». J'aime bien.

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Le 18 février 1976 était un mercredi (je l'avais oublié); il pleuvait à East Hampton, et la neige tombait mollement à Montréal. À 3 heures 10 exactement, ma fille Chloé naissait. Ça, jamais je ne l'oublierai.

6 août 2012

Lieux (5)

Qui n'a jamais cueilli de framboises sauvages n'a aucune idée du supplice que peut éprouver une enfant de quatre ans, dédaigneuse à la fois de l'activité et du fruit - cette horrible petite chose qui pique, griffe, jute, se dérobe quand on veut la manger...

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J'imagine la tête que j'ai faite quand tante Olivia, oncle Albert, cousins, frère et soeur ont sorti les seaux, les bottes et les chapeaux... La petite fille au chapeau de paille de Mary Cassatt : même moue, même expression désespérée, une tête d'enfant martyre.

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Heureusement j'avais un plan. Très simple. Il suffisait d'attendre que tout le monde soit absorbé par son travail, bien penché sur « sa talle », le dos tourné. Prenant comme point de repère le sentier longeant le boisé, je n'aurais qu'à marcher jusqu'à la ferme. Sauvée en moins de deux. Ni vue ni connue.

Oui mais voilà. Le maudit sentier bifurquait à proximité d'une source. Je ne savais pas s'il fallait aller à gauche ou à droite. Des champs à perte de vue, pas la moindre maison à l'horizon. Et le soleil qui tapait, et les abeilles qui bourdonnaient. J'avais échappé à la corvée, mais ça me plaisait de moins en moins. La nuit allait venir, on ne me trouverait jamais... J'ai dû pleurer toutes les larmes de mon corps. J'étais encore secouée de spasmes quand oncle Albert m'a découverte. Le noeud de mon chapeau m'avait sauvée - c'est ce qu'on m'a dit. Une tache rouge sur le fond vert du champ. Une tache qui suivait un tracé circulaire. Pendant des heures j'avais tournoyé autour d'une immense roche comme la trotteuse d'une montre autour de son axe.

J'ai appris à aimer les framboises, mais pas à les cueillir. Ça non !

24 juillet 2012

Le même jour

Le bassin du parc Beaubien à Outremont est dépouillé de ses nénuphars, mais il me plaît de les imaginer - roses et non blancs - mobiles et frêles comme ces bateaux en papier que nous fabriquions enfants et que le courant emportait, une minute à peine, puis coulait. La lumière de juillet, trop intense, dévore tout. J'attends patiemment qu'un nuage accentue les ombres. Avec un peu d'imagination je suis à Giverny...

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Une heure plus tard

Les Enfants terribles où j'invite Francine pour son anniversaire servent leurs mojitos dans de curieux verres. Cette main blanche me rappelle quelque chose...

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J'ai vu la même, il y a très longtemps, sur la couverture d'un roman policier. Elle était rouge et il y avait le mot « cadavre » dans le titre. Le livre, sans doute nul car je ne l'ai jamais lu, faisait partie de la collection de pocket books qui nous étaient interdits. Une recherche sur le net montre une édition de 1954. Ce doit être celle-là :

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Aucun rapport avec les Nymphéas sinon que les photos ont été prises le même jour.

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