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Chronique d'Elle
10 février 2008

Max, Vlad, Daniela, etc.

MAX

Ils roulent depuis treize heures sur des chemins à peine carrossables. La nuit vient de tomber. Il neige. Les phares de la voiture balaient un décor de boule de verre : pins anémiques, hauts comme des cathédrales, rocailles, ravins... À l'arrière-plan, sur un ciel indigo, la cime de très vieilles montagnes : les Carpates roumaines. Ils roulent. Des arbres, encore des arbres... Soudain, à un tournant de la route, les fenêtres éclairées d'une auberge. C'est là que MAX Fridman (agent secret recruté par le 2e Bureau pour enquêter sur la disparition des membres du réseau 'Rapsodie') et Ethel Möget (seule survivante du réseau) vont passer la nuit :

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Giardino (prix Yellow Kid pour son album Rhapsodie hongroise, Glénat, 1982) est italien, amateur de Graham Greene et de jolies femmes. Ses héroïnes sont inévitablement belles, énigmatiques, terriblement glamour, ou tout simplement touchantes (c'est le cas d'Ethel Möget). Prévisible, donc, cette scène du réveil à l'auberge Ursul Negru, mais tout à fait dans la couleur de mes fantasmes :

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À mes yeux, Max Fridman est l'agent secret le plus sexy de l'univers de la BD, tous genres confondus. C'est un homme brillant, sensible, romantique (juste ce qu'il faut), incontestablement viril (c'est-à-dire suffisamment fort pour éviter les pièges du machisme), calme, etc. Il est roux, et après ?

Mon royaume pour un gars comme ça !

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Ou comme lui...

Giardino

Giardino

VLAD

Vlad Tepes (l'Empaleur en roumain), Draculea (le fils de Dracula en roumain - car Vlad II, son père, avait été chevalier de l'Ordre des Dragons, d'où son surnom, le Drac, c'est-à-dire le Dragon, le Diable), Kalles, Ibnes,ou Gotveren en allemand... Tous ces surnoms ont été donnés, après sa mort, à Vlad Basarab, dit VLAD III, prince de Vallachie.

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Certaines chroniques d'époque le décrivent comme un voïvode d'une cruauté hors du commun. Il faut dire que sa vie et ses actions s'inscrivent dans le contexte extrêmement mouvementé du milieu du XVe siècle. Le Saint-Empire germanique et les pays chrétiens d'Europe de l'ouest sont sérieusement menacés par l'Empire ottoman. Vlad Tepes n'hésite pas à empaler ses ennemis, en particulier les négociants allemands de Transylvanie, les paysans qui se dressent contre lui, ainsi que les prisonniers turcs. Selon ses détracteurs, il aurait même fait empaler l'ambassadeur turc, Hamza Pacha, et son chambellan qui avaient tenté de s'emparer de lui par la ruse.

La réalité derrière la légende

En fait, tel que l'indiquent les sources primaires, Vlad Tepes a bel et bien persécuté les boyards valaques (responsables de la mort de son père) pour asseoir son pouvoir, et pour financer ses campagnes militaires, il a augmenté les droits de douane des marchands saxons de Transylvanie en Valachie. Il a centralisé l'autorité, éliminé sans pitié tous ceux qui pouvaient la déstabiliser. Il a installé un régime de terreur dans l'aristocratie, de telle façon que tous le redoutaient et le craignaient. La plus petite infraction, du mensonge jusqu'au crime, était punissable de mort ('du pal', prétend la légende). On raconte que Vlad avait placé un jour une coupe en or au milieu de la place centrale de Târgoviste afin d'éprouver l'honnêté des voyageurs. Une pancarte autorisait toute personne assoiffée à se servir de la coupe, mais celle-ci devait rester en place. Personne ne s'est jamais risqué à la dérober...

Ce sont les marchands saxons qui ont, pour la première fois, représenté Vlad Tepes sur des libelles et des gravures en vampire sanguinaire se repaissant de chair humaine et buvant du sang... attablé devant une forêt de pals.

Le personnage de fiction

Quelques-uns de ces libelles sont toujours conservés au British Museum de Londres. Ils constituent, en partie, la matière du personnage imaginé par l'écrivain irlandais Bram Stoker, DRACULA. Maria-Dorina Pascaru, qui signe les textes de la brochure Vlad Tepes DRACULA (Ad Libri), apporte des précisions sur la genèse de l'oeuvre de Stoker :

Depuis que l'écrivain irlandais Bram Stoker l'a rendu célèbre à travers sa fiction romanesque, le personnage historique a été effacé au bénéfice du comte Dracula, un vampire assoiffé de sang. Nul ne sait exactement comment on en est arrivé à cette distorsion historique. Bram Stoker aurait demandé à un de ses Amis - Arminius Vambery, professeur à l'Université de Budapest - de lui fournir des éléments pour créer son personnage emblématique du vampirisme. C'est ainsi que l'écrivain eut connaissance du voïvode valaque du XVe siècle surnommé Dracula (en roumain 'le fils du Diable'). Ce dernier détail fut décisif dans la naissance, en 1897, du célèbre personnage de fiction de Dracula.

Dracula au cinéma

De toutes les adaptations cinématographiques inspirées de l'oeuvre de Stoker, ma préférée (et la vôtre, peut-être) est celle de Friedrich W. Murnau, NOSFERATU, le vampire (1922). Un bijou de l'expressionnisme allemand !

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Pour le critique Jacques Courcelles, 'Nosferatu est l'un des dix films essentiels du cinéma muet'. Selon lui, le film de Murnau est avant tout 'un poème métaphysique dans lequel les forces de la mort ont vocation - une vocation inexorable - d'attirer à elles, d'aspirer, d'absorber les forces de vie, sans qu'intervienne dans la description de cette lutte aucun manichéisme moralisant. La mort se nourrit de la mort et le sacrifice d'Ellen est nécessaire pour que le non-mort (sens étymologique du nom Nosferatu) puisse mourir à son tour, car il faut qu'il meure pour que l'équilibre de l'univers soit préservé.'

Au delà d'une remarquable technique, de l'utilisation vertigineuse de la lumière, des atmosphères inquiétantes, du montage ingénieux, comment ce diable de Murnau réussit-il à nous inspirer de la compassion pour un être aussi hideux ? Car Nosferatu, avouons-le, est un être FASCINANT - au sens où il exerce sur sa victime (et sur nous) une irrésistible séduction. Quelle est cette pulsion qui annihile l'esprit critique ? D'où vient ce désir (apparent) d'une violence que l'on redoute et appelle à la fois ? Quand Hutter confie aux clients de l'auberge où il s'est arrêté son intention de se rendre au château d'Orlok, ceux-ci lui conseillent de ne pas aller là-bas à une heure tardive. Hutter prend donc une chambre pour la nuit, puis il feuillette Le livre des vampires dans lequel il est dit qu'en 1443 naquit le premier Nosferatu... Hutter ne prend pas le livre au sérieux. Qu'à cela ne tienne: le mécanisme de la fascination est déjà en marche.

Hutter s'est rendu au château. Il dîne tranquillement pendant que le comte (désigné, depuis la séquence de la chambre, sous le nom de Nosferatu) lit les documents qu'il lui a apportés. À minuit, Hutter se coupe le doigt :

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s'exclame Nosferatu... avant de lui sucer le doigt. Hutter ne fuira le château qu'après avoir découvert, à son réveil, deux morsures à son cou.

DANIELA

Daniela, c'est mon amie roumaine. Nous nous sommes rencontrées à Versailles, il y a bientôt quatre ans. Elle photographiait une roseraie, et moi je tentais désespérément de croquer un groupe d'enfants. Les enfants, ça bouge, et je suis lente à cadrer, alors forcément... Je ne sais pas laquelle de nous deux a abordé l'autre. Très rapidement, nous avons décidé de visiter les jardins de Versailles ensemble, en attendant le Concert des 'grandes eaux' (un spectacle ravissant : les fontaines jaillissent en alternance au rythme de concertos du dix-septième siècle).

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Daniela vit à Bucharest où elle a sa propre entreprise de marketing. Au moment de notre rencontre, elle suivait un stage en vue de démystifier un logiciel complexe dédié à la gestion d'un service de santé. Nos goûts nous portent vers les mêmes objets culturels (la photographie noir et blanc, entre autres), notre rapport au monde se ressemble... Daniela est sensible, elle est belle au sens où j'entends la beauté (une parfaite harmonie des traits physiques et moraux), rien de mesquin chez elle, une candeur liée à une intelligence instinctive très forte. Sa plus récente photo a été prise par Adrian (son mari) au Centre équestre Dracul de Sighisoara, lieu de naissance présumé de Vlad Tepes :

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Sighisoara est une petite ville fortifiée de la région de Transylvanie. C'est le voïvode de Valachie (Vlad Dracul) qui a écrit le premier document mentionnant le nom de la ville en roumain. En 1631, Georges 1er Rakoczy, prince de Transylvanie, devient roi de Hongrie. Après la Première Guerre mondiale, Sighisoara passe avec la Transylvanie de l'Autriche-Hongrie au royaume de Roumanie.

Inscrite par l'UNESCO comme patrimoine mondial, Sighisoara tient chaque été dans sa vieille citadelle un festival médiéval très coté. Son école d'équitatation et son centre équestre sont parmi les plus réputés d'Europe. La bonne conservation des murs de la vieille ville, sa citadelle, font, dit-on, de Sighisoara la ville médiévale la plus enchanteresse de Transylvanie. Je n'ai, pour m'en convaincre, qu'à regarder cette magnifique photo (reproduite avec l'autorisation de l'auteur du site EST/OUEST) :

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Les Roumains s'en vont, les Chinoises arrivent...

Tout n'est pas rose en Roumanie, loin s'en faut ! Je réserve pour un prochain billet (ou mes nuits d'insomnie) mes réflexions sur l'exode des Roumains vers l'Italie et l'arrivée en Roumanie d'ouvrières chinoises, attirées par les 200 euros mensuels que leur offre la Wear Company - ce qui est beaucoup, en comparaison des 80 euros gagnés en Chine.

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Commentaires
C
Bonsoir Flavie,<br /> <br /> Excellent le passage de BD vers l'histoire véridique du personnage de "Dracula" :via le roman de Bram Stoker, l'écrivain; Nosfératu au cinéma.<br /> Votre récit me démystifie ce personnage authentique tout en nous montrant le pays d'origine de Daniela !
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