Je vous fais marcher ?

La lumière de mai n'a pas d'égale, sinon celle de septembre, parfois. Les ombres sont douces au printemps, et le vert des feuilles n'éblouit pas encore le regard. Pour la nordique que je suis, c'est la saison idéale. Les noeuds se distendent, l'engourdissement me quitte, je piaffe comme une chevrette. À moi les pelouses ébouriffées, les géraniums, les fontaines, les meubles de jardins, les jeux de marelle, les sangrias aux terrasses...

Si le coeur vous en dit, je vous emmène marcher avec moi.

Prenons d'abord la rue Willowdale, à quelques mètres d'Outremont. Quelqu'un (une femme sûrement) a aménagé une terrasse à même le gravier et le peu d'espace dont elle dispose. Sur la table, trois bougies qu'elle allumera peut-être ce soir si le beau temps persiste. Une légère brise agite le mobile qu'elle a suspendu entre les arbustes...

On accède au "jardin" par une minuscule grille.

La terrasse, vue de la rue.

La dame m'autorise à photographier ce qu'elle appelle son "dessous de balcon", sa bulle. Je lui dis que j'adore la façon dont elle s'est approprié l'espace. Elle en conclut que nous avons la même énergie, et accèpte de poser pour moi dans l'attitude où je l'ai surprise.

La femme s'appelle Marie-Laure, elle a des yeux pers, immenses, et un magnifique sourire. C'est tout ce que je sais d'elle.

Avenue Saint-Germain. Les cyclistes (deux copines, deux soeurs ?) attendaient le feu vert en même temps que moi. Nos chemins se séparent à la croisée de Kelvin et Saint-Germain. Elles prennent à gauche, et moi à droite.

Le pneu à flanc blanc vous rappelle quelque chose ? Celui de Scout et Jem, dans To kill a mocking bird, était usé, un peu mou, mais c'que ça roulait ! Enfant, mon frère Claude m'avait installée dans un flat tire de ce genre; il m'avait poussée avec tant de vigueur et je maîtrisais si mal l'engin que j'avais abouti dans le ruisseau. Nous n'avons pas récidivé.

Et ça ? Ces chaises démodées, le cabanon, les bûches encore humides de la dernière pluie ?

Qui fait la lecture à l'autre ? Je parie que c'est la fille.

La cavité dans le tronc de l'arbre : To kill a mocking bird, évidemment.

Nous marchons sur l'avenue Bernard depuis un bon moment. Je n'ai d'yeux que pour les fleurs - dont le nom m'échappe, comme toujours.

Celui-là, je sais à qui il me fait penser : Garfunkel, le chat de ma cousine Elaine. La même bouille timide, effarouché au moindre bruit "étranger", pas teigne comme son frère Simon. Eh oui, Simon and Garfunkel, comme le duo (des goûts, et des couleurs, dit-on...).

Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle (...) Direz chantant mes vers, en vous émerveillant : / 'Ronsard me célébrait du temps que j'étais belle.' C'est pas défendu de rêver...

Clic, clac, font les petits talons. Pas de temps à perdre, peste la dame. Enfin, quelque chose du genre.

Un peu tôt pour dîner. De toute façon je n'ai pas faim, mais la terrasse me plaît car elle ouvre sur une salle à l'éclairage tamisé et dont le décor, nul, plat, autorise tous les scénarios.

Ce n'est qu'après avoir cliqué que je me suis aperçu de l'anomalie : le client consomme son propre casse-croûte. Bah !

"C'que j'me fais c..."

Parc Saint-Viateur. Les ombres s'allongent. On approche de l'heure où l'ennui gagne les adolescents. Trop beau pour étudier. Vivement les vacances !

Les gamines, pareilles en cela aux enfants qu'on a été, pratiquent leur activité préférée : la chicane. 

Les trucs "girly" de cette vitrine me font penser au phénomène Kawaï (littér. mignon). Apparue vers 1990 dans l'art populaire japonais, cette (sous-)culture puise ses sources dans le monde de l'enfance : poupées, bonbons colorés, couleur rose, fleurs, otakus, mangas, etc. Les enfants adorent. Moi, c'est juste pour la photo...

Le scooter, par contre... Ce n'est pas une Vespa, mais "Jazz" c'est pas mal non plus.

Une autre attitude typiquement "fille" : les secrets, les complots...

Avenue Outremont. À Outremont, évidemment. Est-ce la vue de la nappe ? Je commence à avoir sérieusement faim.

Allez, Valentine, fais pas la fière !

Aucun doute, j'ai vraiment faim. Heureusement, le métro est à un coin de rue.

Comments

[Sophie C.]

... de m'emmener faire un tour à Montréal...
En ce qui concerne la Vespa, ma mère n'a cessé de me dire tout le long de son passage à Paris combien elle aimerait en avoir une, elle aussi...

[Ginette]

Murielle,
Des fragments urbains et colorés comme je les aime. Merci de cette ballade.
Ginette

[Flavie]

...et hydrangées, c'est donc la même chose ? Merci, Claire, de cette information. Et merci de m'avoir accompagnée dans cette promenade.

[Claire]

Bonsoir Flavie,

très belle visite commentée dans ce bel arrondissement : OUTREMONT,... la campagne dans la grande ville de Montréal.

Claire
n.b. les grosses boules de fleurs roses c'est : hortensia à grosses feuilles

Son nom latin: Hydrangea macrophylla plante vivace