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Chronique d'Elle
21 juin 2008

Splendeur et tremblements (2)

Nicolas

Nous avons de la chance : Nicolas, notre guide, est un petit rigolo. Féru d'histoire, patient, amateur de jolies filles 'qui ne se font pas débrider les yeux' et de... Mercedes. C'est un pur shanghaien, fier de sa ville, 'beaucoup plus moderne que New York', fier de la Chine, de ses progrès... Tout n'est pas parfait, admet-il, le bond économique ne profite pas à tout le monde, 'à preuve' : il attire notre attention sur les espaces mal éclairés qui font office de boutiques, le long des artères principales - une misère crasseuse qui s'entête à survivre, coincée entre l'opulence et une ébauche de classe moyenne. Nicolas appartient à la génération des Chinois nés après 1975, scolarisés, choyés par des parents qui ont tout sacrifié pour eux et auxquels ils ne s'identifient plus. Ses références sont nord-américaines (il a choisi son prénom en l'honneur de l'acteur Nicolas Cage qu'il admire). À quoi rêve Nicolas ? C'est Sophie qui répond. Ce que veulent les Chinois ? La même chose que les Occidentaux, bien entendu.

Qui sommes-nous pour les blâmer ? Qu'avons-nous de mieux à proposer ? Qui, dites-moi, ne fait pas ses choux gras du progrès apparent ? Qui n'ajoute pas son grain de sable à la désertification de l'humanité ?

On l'aura compris : le charme du jeu de Lego a ses limites. Mais c'est quand même beau une ville, la nuit...

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Shanghai-Pudong (la nouvelle ville) vue du Bund

Suzhou

On accède à Suzhou par un magnifique parc industriel. Rien à voir avec nos espaces nord-américains où ne poussent que des édifices aux murs aveugles, des parkings, des entrepôts miteux, et qui n'ont de 'parc' que le nom. Ici, les arbres, les fleurs, les haies abondent, jouxtées de sculptures modernes. Un panneau, à l'entrée de la ville, indique qu'il est interdit de klaxonner... Le règlement n'est pas rigoureusement respecté, mais il freine les plus fougueux. Suzhou nous plaît d'emblée. Serions-nous un brin chauvins ? Sophie, qui accompagnait récemment l'ex-maire de Montréal, Pierre Bourque, dans ses visites de plusieurs villes chinoises, confirme la contribution québécoise à la formation d'architectes paysagers de Suzhou. Compte tenu des résultats, il semble bien que l'élève ait dépassé le maître. Le verdict est unanime : c'est bien plus beau ici !

La Venise jaune

Suzhou doit sa renommée aux nombreux canaux qui la sillonnent (on l'appelle la 'Venise jaune') et à ses magnifiques jardins. Les plus anciens datent de la dynastie des Song, il y a plus de 2 500 ans. Les plus célèbres - le Jardin de l'humble administrateur, le Jardin de l'harmonie et le Jardin du maître des filets - ont conservé les éléments architecturaux et paysagers d'origine : un bassin central qu'enjambent des ponts en bois ou en pierre, des canaux, des étangs bordés de saules pleureurs, de nombreux pavillons, des sculptures, d'étranges rochers modelés par l'érosion marine... Pas de clic clac (hélas), mais une autre image glanée sur le Net. Je n'aurais pas fait mieux !

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Le Jardin de l'humble administrateur, construit en 1513 pour Wang Xiancheng, un mandarin à la retraite, couvre 4 hectares. La légende raconte que le fils de Wang perdit cette propriété au jeu...

Petit vers deviendra...

Suzhou, capitale de la soie. Oui, monsieur, la plus belle du monde ! Des couleurs, des motifs, des broderies à vous faire oublier le petit vers qui paie de sa vie pour satisfaire votre boulimie. On feint de le plaindre (le pauvre, s'il savait ce qui l'attend), on le regarde dévorer sa feuille de mûrier, attendri, oui, tout de même...

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On admire, ébahi, l'ouvrière qui attrape avec la dextérité du prestidigitateur le fil à peine visible du cocon...

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Comment fait-elle ? Car, enfin, l'eau dans laquelle elle plonge la main est presque bouillante ! Une troisième chose que j'apprends : les Chinoises ne sont pas des mauviettes. L'ont-elles assez prouvé ? On ne construit pas une grande civilisation avec des gants Playtex (mauvais jeu de mots, je sais, mais on auras compris que c'est là une forme d'hommage).

Petit vers, donc, deviendra CECI :

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C'est pas chouette, ça ? Et négocié avec une certaine habileté, je l'avoue. Mes compagnes de voyage en sont jalouses (Sophie et moi sommes les seules dont le gabarit correspond aux normes chinoises). Mais le voyage commence à peine, elles auront de nombreuses occasions de compenser cette injustice...

Wuzhen : Là, tout n'est qu'ordre et beauté (Baudelaire)

Sophie nous avait prévenus : le 12 mai, nous dormirons chez l'habitant. Ma nature impulsive nourrie d'expériences fâcheuses s'est immédiatement braquée. Tandis que l'autocar traverse le Fujian en direction du bourg en question, j'imagine le pire : d'étroites chambres très 'basic', avec toilettes et lavabos sur le pallier, la proximité de voyageurs bruyants, gargouillis de la chasse d'eau et de la douche (si la malchance m'assigne le mauvais numéro), etc.

Décidément, j'ai trop ou pas assez d'imagination : Wuzhen est bel et bien l'une des top ten charming Chinese towns, comme l'affirme le China Daily.

Érigée à la fin de la dynastie des Tang, Wuzhen est entièrement construite autour de canaux. Ses habitants, en majorité des retraités, vivent des profits générés par l'artisanat : tissage, sculpture sur bois, gravure sur bamboo, distillation d'alcool de riz (le meilleur de la région, prétendent-ils : on ne tardera pas à le vérifier). De maigres profits, car un règlement municipal interdit aux autochtones de 'commercer' avant cinq heures - heure à laquelle les boutiques gérées par la Wuzhen Tourism Development Co. ferment leurs portes. Les propriétaires des boutiques de Wuzhen, quant à eux, ainsi que leurs employés (environ 400 personnes), n'habitent pas le village.

Le tourisme, très récent, est surtout d'origine chinoise. Les Occidentaux blonds aux yeux bleus sont une véritable curiosité. Pour une fois - ce ne sera pas la dernière - les rôles sont inversés.

Mon petit trésor entre les mains (un Canon moins performant que celui que j'ai perdu, malheureusement), je peux ENFIN cliquer, cliquer... ad nauseum :

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Ma chambre

Le matelas est un peu dur, mais c'est la plus grande chambre de l'étage, et les W.C. privés fonctionnent 'à l'occidentale'. Elle fleure bon une épice inconnue. Sur la table, une théière et des gobelets aux couleurs des Ming; dans un coffret en bois de cerisier, une mixture sombre à l'odeur âcre. Je n'aime pas le thé, mais l'arrangement me plaît. Tout compte fait, dormir chez l'habitant ce n'est pas mal du tout !

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Romantique Nicolas

Je lui dois au moins ça - après tout, c'est lui qui m'a accompagnée au magasin d'appareils photos de Suzhou et m'a avancé une bonne partie du coût de la Canon (on refusait ma carte de crédit). Je lui fais donc SA photo :

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Nicolas ne le dit pas (c'est un grand pudique), mais je crois qu'il s'ennuie de sa copine. Du coup, je pense, moi aussi, à ceux que j'aime...

À SUIVRE

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Commentaires
N
Enfin! tes photographies...<br /> La différence est palpable (internet ne fait pas le poids), tes images nous parlent.<br /> Bienvenue en Chine!
S
Je me régale de ton récit, qui en dit autant sur toi que sur la Chine! J'attends la suite avec impatience...
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