J'y suis, j'y reste !
Quand il s'est installé à la Place Victoria (rebaptisée « Place du Peuple »), Dan Parker débarquait avec des principes nobles : la recherche d'un changement économique profond menant à une distribution plus juste de la richesse à l'échelle locale et globale et l'action non-violente pour parvenir à cette fin. La non-violence est d'ailleurs un must pour le mouvement Occupons Montréal. « Nous voulons nous sentir sains et saufs ici, malgré la surveillance inquisitrice de l'État. Notre équipe d'intervention veille sur place 24 heures sur 24 pour s'assurer que tout le monde se sente à l'aise de nous rendre visite. » (99%, l'organe officiel d'Occupons Montréal)
Voilà pour les principes.
La réalité - la vraie vie - c'est autre chose. Parker l'admet : «Les motivations derrière l'implication varient en fonction des intérêts personnels. Certains veulent bâtir une société idéale ici à la Place Victoria. D'autres ont trouvé le lieu idéal pour squatter. Pour les fêtards, c'est un lieu de rassemblement. Les intellos veulent convaincre les occupants de partager leurs visions du monde.» Bref, la Place du Peuple est un melting-pot d'utopistes, de bénévoles interpellés par les dérives du capitalisme, de junkies, d'itinérants. Certains sont sympas, d'autres carrément agressifs - j'en ai fait l'expérience hier.
Et tout ce beau monde n'a pas envie de décamper de sitôt. Des abris en bois, isolés et munis de système de chauffage en prévision de l'hiver, commencent à remplacer les tentes.
Toléré jusqu'à maintenant par la Ville de Montréal, le campement des indignés commence drôlement à gêner (la Place Victoria est au centre du quartier des affaires). Le maire de Montréal a demandé hier aux représentants du Mouvement que les abris permanents soient enlevés - sans toutefois imposer d'ultimatum - et que les objets inutilisés, dont les vieux meubles, soient retirés du site. Les tentes non occupées doivent être démantelées.
Les manifestants n'ont pas l'intention d'obéir à cet ordre de la Ville : ces installations, disent-ils, sont nécessaires pour leur permettre de passer l'hiver au centre-ville.
Une histoire à suivre, donc.
Pour l'heure, quelques-unes des images prises lundi et mardi après-midi. Sans préjugés ni idées reçues. Un besoin de voir, à défaut de comprendre.
J'y suis, j'y reste !
Un gars sympa : Marc-André Bahl.
Il a lu Le roman du Big-Bang dans le métro avant et au retour du campement - en deux ou trois jours, je ne me souviens plus. Si je mets sa photo, et un lien vers ma chronique, tous ses amis Facebook vont me lire. Dit-il...
Une fille sympa : Isabelle.
Elle n'appartient à aucun organisme. Elle fait partie de la petite équipe de bénévoles qui distribue la soupe et le pain (qu'elle broie, à la bonne franquette ou « à la française »), gère les dons de nourriture, s'assure que les aliments sont frais et que personne ne manque de rien. Une rigolote qui en a vu d'autres...
« Soyons le changement que nous voulons voir dans le monde. » Gandhi.
Il s'appelle Boris. Il a bien voulu poser pour moi en attendant que son maître trouve une place décente pour installer sa tente (elles se font rares, tout le terrain « autorisé » est occupé). À défaut de mieux, l'homme semble résigné à rester ici : un emplacement d'à peine quatre pieds sur six. C'est mieux qu'un banc de parc, et la soupe est chaude...
Aucun doute : des écolos et des féministes sont passés ici.
Celle-là ne squatte pas, elle préfère rester à la périphérie. « Chacun dans son espace », comme dit Vallières.
Une assemblée générale des occupants a eu lieu hier en début de soirée. Ceux-ci ont notamment discuté de l'adoption éventuelle d'un document de prise de position qui ne comporterait pas le mot « indigné », qu'ils décrivent comme une « construction médiatique ».
Pour le moment, le logo 99% semble marcher assez bien. Sur un support fluo, impossible de le rater.
Comme je rentrais hier, le soleil déclinait. Le carillon de l'église Notre-Dame jouait quelques mesures de l'Ave Maria. Pour me narguer, je l'aurais juré...